Enseignement et formation en Tunisie

Pourquoi les vieilles marmites font-elles les meilleures sauces ? Ils ont tous le bac et ont effectué des études universitaires. Certains ont étudié deux, trois, quatre, ou même sept ans après le bac, mais se retrouvent au chômage. Des diplômés à la pelle dont personne ne veut. Malgré l’obtention de leur carton, la plupart ont une formation douteuse, sans aucune qualification, sans bagages, sans la moindre culture générale et ont le niveau intellectuel au ras des pâquerettes. Notre système éducatif serait-il malade ? Nos universités seraient-elles devenues des fabriques de chômeurs ? Quel est le bien-fondé de ces instituts et diplômes « bidon » qui déversent sur le marché des « baragouineurs » à l’employabilité presque utopique ? Pourquoi, des instituteurs d’antan qui ont à peine le niveau du bac sont-ils plus « calés » que les « docteurs » d’aujourd’hui ? Comment en est-on arrivé à un tel niveau de dépréciation ? Inutile désormais de se voiler la face et de se cacher derrière les taux hyper élevés de réussite, le mal est là, irréfragable. Irréfutable. Incontestable. Restent le diagnostic et la thérapie à suivre. C’est connu, c’est même évident, l’on est loin du temps où décrocher le bac nous procurait une telle sensation que l’on atteignait le nirvana. Obtenir ce fameux carton signifiait pour la famille que leur progéniture est promue à une réussite presque acquise. Il faut dire qu’à l’époque, avec cette simple « peau d’âne », on pouvait faire énormément de choses. Et puis, côté formation et bagages, c’était vraiment du solide, du béton armé. Il n’y a qu’à causer avec nos retraités qui on connu ce temps. Des retraités dont certains n’ont même pas le bac, mais vous remettent à votre place quand jeune docteur fraîchement débarqué d’une quelconque école, vous voudriez avoir la grosse tête. Quand la quantité supplante la qualité ! Décidément, les temps ont changé. Et la qualité de la formation a laissé place à la quantité. Il n’y a qu’à voir les taux ahurissants de réussite au bac et dans le supérieur pour se rendre à l’évidence. De nos jours, on assiste à une « inflation », une production excessive, pour ne pas dire artificielle, de diplômés, avec une qualité douteuse, donc une employabilité presque utopique pour certains. Tous les moyens sont bons pour caser, avec une complaisance coupable, cette pléthore de bacheliers. Mais la médaille a son revers. Du coup, l’on assiste à la mise sur le marché de ‹ diplômés › dont personne ne veut. Des coquilles vides dont on ne sait que faire. Des diplômés (pour ne pas dire résidus ou déchets) bi-bègues ne maîtrisant rien du tout. Pas étonnant quand on voit fleurir des instituts ou écoles aux dénominations un tantinet ubuesques : " Ecole supérieure de commerce électronique″ " Institut des langues appliquées au tourisme ″ " Institut des langues appliquées au multimédia " et tutti quanti ! Alors qu’ils auraient dû faire l’objet de simples départements ou modules. Selon les données officielles, le nombre de diplômés du supérieur serait passé de 24600 à 52300 entre 2001 et 2006. Soit une hausse annuelle de 16,35 %. Ce qui n’est pas peu. Malgré toute l’artillerie mise en place par l’Etat pour arriver à bout de cette marée de chômeurs diplômés, il est une évidence que le phénomène est en passe, si ce n’est déjà fait, d’être le premier fléau dans notre pays. Mais le fléau, l’hydre devrait-on dire, touche bien plus une certaine catégorie de diplômés. Selon un rapport officiel, 46 % des diplômés restent au chômage au moins 18 mois après l’obtention de leur diplôme. Mais les plus exposés au chômage sont les techniciens supérieurs et les maîtrisards des " disciplines du tertiaire ″ et littéraires (droit, gestion, finance, histoire, lettres, philosophie…) qui en représentent 50 %. Ce pourcentage frise même les 70 % chez les diplômés en sciences juridiques, lesquels représentent l’extrême majorité des diplômés. Mais globalement, selon les mêmes données : 0.19 % des diplômés sont des architectes don 9 % sont au chômages ; 4.2 % d’ingénieurs dont 18 % sont au chômage ; 33 % des techniciens supérieurs et 57 % des maîtrisards dont 60 à 70 % sont au chômage. Grosso modo, l’on voit que le gros de ces diplômés n’est pas employable, car inadaptés aux besoins de la demande, donc juste bons à grossir les rangs des inconditionnels des cafés et autres bistrots qui se multiplient d’ailleurs de nos jours à une vitesse incontrôlée. Quand le niveau tombe de Charybde en Scylla ! De cette dépréciation certaine de la qualité, ainsi que de ses causes, les avis sont nombreux et divergents .Quand les uns pointent du doigt le système éducatif et les formateurs, les autres situent le problème à la base. Tandis que certains autres font allusion au désintérêt, « à l’air du temps » ou à l’utilisation inadéquate des technologies. Si Ridha B.S., instituteur retraité, a son avis sur la question. « A l’aube de l’indépendance, l’essentiel des familles tunisiennes était d’un niveau presque misérable et seule la formation scolaire promettait un avenir meilleur d’où l’intérêt capital porté par la jeunesse de l’indépendance et même celle d’après. La baisse généralisée du niveau actuel est due au laxisme des enseignants ainsi qu’au désintérêt des élèves pour les matières littéraires dans les sections scientifiques. Le niveau de retraités tient au fait que leur formation a été assurée par des enseignants consciencieux à des élèves avides de savoir et de connaissances pour améliorer leur niveau. Ainsi, le système de formation français dont nous avons bénéficié, nous les retraités, est passé de la formation générale à la spécialisation dès le niveau secondaire d’où le raccourcissement de la partie tronc commun ou formation générale ». D’autres évoqueront, un ras-le-bol des apprenants, un système d’enseignement aberrant, le tout ajouté à des outils technologiques mal exploités et qui contribueraient à « abêtir » les élèves. C’est le cas de Si Mohamed Ali M., cadre de société à la retraite : « Notre système est tourné vers le quantitatif au détriment du qualitatif. Il y a vraiment trop de matières et nombre d’enseignants d’aujourd’hui se soucient plus du côté matériel que celui du devoir moral. Mais il y a aussi malheureusement ce ras-le-bol manifeste chez les élèves qui ont la conviction que les études ne mènent nulle part, pas à l’embauche en tous cas ». Et d’ajouter : « L’essor technologique nous grave de gadgets plus attrayants les uns que les autres. La télé, Internet, l’ordinateur, le Gsm ont bouleversé le mode de vie des gens devenus plus sédentaires, en créant d’autres habitudes, d’autres formes et expressions de culture. Fini le temps des échanges de correspondances manuscrites, des cartes postales, de la lecture dans les trains ou sur le banc public. On ne se soucie plus de la maîtrise de telle ou telle règle grammaticale ou orthographique. C’est le PC qui réfléchit à notre place ».
Oumar Diagana

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