La crise du crédit ? Les Chinois ne connaissent pas

PARIS (Reuters) - La Chine compte désormais plus de cartes bancaires que d'habitants, selon la banque centrale chinoise, et le secteur du crédit continue de se développer à marche forcée sans que le pays semble touché par la crise qui frappe la finance ailleurs dans le monde. Comme les autres pans de l'économie, le secteur bancaire chinois se développe à toute vitesse. Ma Delun, vice-gouverneur de la Banque populaire de Chine, se félicitait en début d'année que 1,47 milliard de cartes bancaires - cartes de crédit ou simples cartes de retrait - soient désormais en circulation dans le pays. Il y aurait alors plus de cartes que d'habitants puisque la population chinoise tourne autour de 1,3 milliard de personnes. "Je trouve ce chiffre hallucinant", commente Hervé Liévore, stratège chez Axa Investment Managers. "Le concept de la carte de paiement est quelque chose de très récent et la Chine reste définitivement le royaume du cash." Hervé Liévore n'est pas le seul à s'étonner du chiffre avancé par la banque centrale chinoise. En revanche, il juge très plausible le bond de 30% des volumes de cartes en circulation en 2007. Si l'on extrapole ce rythme de croissance, on approcherait fin 2008 des deux milliards de cartes, soit une carte et demie par habitant contre 1,1 actuellement. "Tout pays émergent connaît un moment ou un autre une forte accélération à deux chiffres du crédit à la consommation et des moyens plus modernes de paiement", résume Jean-Charles Sambor, économiste de TCW, filiale de SGAm (Société générale Asset Management). "La Chine ne fait pas exception." En revanche, Jean-Charles Sambor ne croit pas que le rythme revendiqué par la banque centrale pour 2007 puisse être maintenu cette année, surtout dans le contexte actuel de crise mondiale du crédit. "Cette croissance va se tasser car il s'agit d'un processus de rattrapage sur un segment relativement récent pour les banques", précise-t-il. LE ROYAUME DU "MAO" Malgré l'essor du marché bancaire chinois, on reste très loin des États-Unis et de leurs deux cartes de crédit et demie en moyenne par habitant. Et l'encours total des cartes chinoises - autour de dix milliards de dollars - n'est qu'une goutte d'eau par rapport au reste du marché du crédit, chinois ou mondial. Aux États-Unis, les lignes de crédit revolving, ouvertes principalement grâce à une carte, ont frôlé cet été les 1.000 milliards de dollars. La France compte pour sa part 81,5 millions de cartes selon l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement, soit 1,3 carte par habitant. Sur le nombre de cartes en circulation dans l'Hexagone, la majorité (7/10) sont de type interbancaire (CB mais aussi Moneo). Les autres (3/10) sont de type privatif (American Express, Cetelem, Cofinoga, Finaref ou Sofinco). La comparaison s'arrête là, car le milliard et demi de cartes qui circuleraient en Chine reste l'apanage d'une minorité sociale et géographique. De surcroît, les espèces demeurent le moyen de paiement préféré des Chinois, de très loin, avec des billets toujours à l'effigie de Mao. "Quand on parle de cartes, il faut bien distinguer cartes de crédit et simples cartes de débit", souligne Hervé Liévore. "En Chine, nous ne sommes pas dans une culture de la carte de crédit. Le développement actuel se porte essentiellement sur les cartes de retrait." "Le crédit à la consommation demeure le parent pauvre. Le gros du crédit est accordé aux entreprises, ce qui est typique du stade de développement actuel de l'économie qui reste à ce titre, ne l'oublions pas, celle d'un pays émergent", ajoute-t-il. C'est là que résident à la fois la faiblesse et la force du secteur bancaire chinois à un moment ou les grands noms de la finance mondiale se débattent dans la crise provoquée par l'éclatement de la bulle des "subprimes". "Le système brille par son caractère rustique", poursuit Hervé Liévore. "Les banques en Chine ont l'avantage de posséder des dépôts en quantité considérable, on serait même tenté de dire qu'elles ne prêtent pas assez." Jusqu'à 60% des dépôts sont concentrés entre les mains des quatre plus grandes banques chinoises. Du coup, alors que ses consoeurs étrangères accumulent pertes et dépréciations, l'ICBC (Industrial & Commercial Bank of China) est devenue au deuxième trimestre la banque la plus rentable du monde. "Les établissements chinois étant tenus de conserver les crédits émis dans leurs comptes, si l'on doit constater des créances douteuses, on saura à peu près ce qu'elles représentent", veut croire Hervé Liévore. Mais le sujet reste sensible. Personne n'a oublié qu'en 2006, Ernst & Young avait dû retirer son rapport sur les créances douteuses du système bancaire chinois face à la colère que son chiffrage avait provoquée à Pékin
par Gilles Guillaume

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